Writings

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Poetry

L'été interdit

This poetry collection is inspired by a wild and special place: an isolated lake in the Haute-Mauricie: it is this space that the first poetry book inhabits. These words belong to the lake, to summer, to vacations. But the marvellous summers of childhood die away in adolescence. The forbidden summer reveals the first cracks in the ideal world of a child.

Extrait

Je parcourais l'été
j'en portais
les couleurs   la brûlure

À peine née du matin
la lumière vibrait dans l'air
abeille fébrile

Je redoutais la bête de chaleur
déjà tapie au creux des pentes
elle bondirait et s'agripperait à mes tempes

J'attendais l'apaisement des crépuscules
je souhaitais mon ombre violette   démesurée
perdue dans le soir
seule et longue
et bue par les fossés profonds

Je parcourais l'été
j'en portais en vain les signes

Mais sous mes pas dans l'herbe
sous l'argile d'ocre tiède
je pressentais la pierre grise et nue
je savais le coeur de la terre gelé dur

Et l'été me restait interdit

Poreuses frontières

At the origin of this poetry is the sense of completeness which an intense contact with the world can evoke. But the poetry recalls also an existential loss, the impression of a painful split between the self and the world. How can we hear again the secret harmony of the universe so spontaneously felt in childhood? How can we escape the strict boundaries that bind our existence? Only dreams open the frontiers.


Extrait

Rendre la parole à un matin d'enfance, endormi au bord du lac. Les premiers mots, bruits d'eau résonnent au fond de la baie Ronde, de la rivière Noire à la rivière aux Rats, de la décharge à la tête du lac, et par des passes traîtresses il me faut revenir, encerclée par la vie des fougères, soudain envahie par le rêve de dire.
Dire la toute-puissance de ce jour

Le poème à venir fera tranquillement son chemin, traversera l'enfance, s'écrira dans le présent d'un autre jour, au hasard d'une rencontre.

Tu lis lentement. Le poème prend peu à peu sa place. Et toi aussi, tu prends forme et couleur. Tu nais de ces lignes très simples, lues un soir d'automne. Une énergie subtile circule de ton corps vers le mien. Aucun geste.
Le poème s'ouvre, vase mystérieux libérant l'inconnu.

Calendrier des terres froides

calendrier des terres froides

The theme of dreams carries on in the poetry of Calendrier des terres froides. Here it is a dream which passes through historical periods, the dream of the discovery of a North West Passage through the Canadian arctic. The calendar covers thousands of years in which the intimate and the cosmic are intermingled.

"As the work of art integrates itself with the landscape, here is a love story married to Nordic lands. Here, love is connected to the quest for origins, to a place, to human and planetary history."     Andrée Lacelle.

In this collection, the poems borrow elements of language from the lexicon of art. The images which came naturally in the writing process have their origin in the paintings which also describe this northern landscape, more exactly, the pulp paintings of the Taiga series.

Extrait

D'abord simple ligne
Mince ruisseau de graphite
Tu me parcourras
Des noirs sortiront du feu
Des salissures
Pour la longue trouée des brûlis

Je dessine une forêt

Fiction

Maison ouverte

Maison ouverte (image)

Here the dream is an escape, a flight from stifling routines. The characters of these short stories (some characters reappear in different stories) are afraid of bypassing what is most important, of wasting their lives. Will they find fulfilment? Will they accomplish their dreams? Where will this desire to leave everything behind, to escape to another milieu lead them? In many cases it leads to the great river of their childhood where, hazard or destiny, they rediscover their first loves.

Extrait

Les îles s'étalaient devant ses yeux, basses, longues avec des contours flous. Elles s'étiraient, paresseuses, toute nimbées de la lumière du matin. On n'était pas sûr de leur présence, de leur réalité. Elles ne semblaient pas posées sur l'eau, mais suspendues quelque part entre ciel et mer. À les contempler si longtemps, on n'était sûr de rien. Mirage ? Illusion ? Désir de les voir apparaître ?

Et derrière ces îles, c'étaient les montagnes de l'autre rive. Plus loin encore, plus haut, la forêt boréale, les rivières bondissantes, le Nord.

D'autres montagnes et leurs secrets.

Sortir du cadre

Sortir du cadre (image)

Listen to an interview on Radio-Canada in July 2011, about Sortir du cadre.

Commentary of the jury (Prix LeDroit): “In precise and chiselled language, these short stories revisit the genre, going outside the usual frame to permit the reader to see the life of atypical characters…”

This short story collection takes up and exploits differently the technique of associating plastic art and writing used in Calendrier des terres froides. The psychological portraits of characters in various states of distress are delineated with reference to works of art, actual or imagined.

Writing and pictorial space fashion through these short stories a surprising world where life no longer has the same meaning. Sortir du cadre is thus to be taken first of all in the literal sense: the palette of colours, the textures and the forms open out onto the real.

Extrait

Au-dessus du buffet, les pommes de Chardin rutilent. Le maître promène son regard dans le nouvel espace qu’il vient d’agencer. La pomme du milieu reçoit la pleine lumière. Elle n’est pas posée sur la table de la même manière que les deux autres. En réalité, cette pomme ne s’appuie pas sur ses voisines, elle est seule à l’avant-plan à affronter le vide. J’aurais dû m’en rendre compte plus tôt.

(Trente marches, rue de Boigne)


Sortir du cadre c’est aussi une manière de s’affranchir des conventions et d’explorer l’ailleurs.

Partir.
La chèvre de monsieur Séguin s’est échappée de son enclos, et tant pis! Le surveillant de Daudet s’est enfui du collège. Gisèle, la vraie, a dévalé les escaliers de l’école, ouvert la porte au printemps.
Partir.
La période de silence est terminée. Les élèves sortent pour la récréation.
Dans son porte-documents d’enseignante, elle tâte la lettre qu’elle remettra tout à l’heure à la directrice. Une lettre écrite tôt ce matin et qui commence aussi par cinq mots, cinq petits coups brefs: « Ne m’attendez pas en septembre ».

(Tableau noir)

Le bruit sourd des glaces, roman, Ottawa, éditions David, 2018.

Le bruit sourd des glaces (image)

Le bruit sourd des glaces nous plonge au cœur de l’histoire récente du Québec, de la Crise d’Octobre au Printemps érable. Le fleuve Saint-Laurent y devient le lieu du rêve et la métaphore des méandres du temps et de la mémoire.

Printemps 1968 – Un attentat perpétré par de jeunes révolutionnaires cause la mort d’un innocent. Un an plus tard, un homme se jette du traversier entre Lévis et Québec, dans les eaux glacées du Saint-Laurent. Ce suicide dont la narratrice Monique est témoin et la mort de sa meilleure amie, dans des circonstances étranges pendant le festival country de Saint-Tite, vont la hanter longtemps. Plus tard, Monique fera des rencontres qui jetteront un éclairage nouveau sur ces drames et viendront changer le cours de sa vie.

Extrait

À la hauteur de Québec, l’hiver, les glaces flottantes sont ballottées sans fin sur le fleuve. De décembre à mars, elles glissent lentement d’amont en aval, d’aval en amont. C’est le flux et le reflux des marées. Il m’est arrivé souvent d’observer cette oscillation lorsque je me tenais près de l’embarcadère. Un balancement qui s’inscrit dans la mémoire du corps, tout comme les traversées entre les deux rives, le va-et-vient quotidien de ceux qui habitent en face de la vieille capitale.

Quelque part dans le temps, c’est l’été. Deux fillettes, debout sur le pont du traversier, se tournent vers l’objectif. La plus jeune porte un béret bien calé sur le front, on ne voit que des fentes pour les yeux et la rondeur des joues. L’aînée, d’un geste coquet de la main, tente de lisser ses cheveux ébouriffés par le vent. Ma mère a lancé nos noms à la volée et, l’instant d’après, nos traits légèrement brouillés se sont imprimés sur la pellicule. Puis elle a changé d’angle et, assise sur ses talons pour mieux nous cadrer, elle a pris une deuxième photo. Sous mon béret enfoncé jusqu’aux sourcils, je fixe le visage de ma mère masqué par le rectangle noir du Kodak. Derrière son dos se dresse la rambarde et, au loin, la massive architecture du pont de Québec. Ma sœur s’est réservé la plus réussie des deux photos. Moi, j’ai hérité de la plus floue. Mais j’aime cette imprécision de l’image qui ne nous fige pas dans un moment du passé, nous rend en quelque sorte intemporelles.

Extrait

Pas un souffle de vent sur le lac. Parce que tout est parfaitement silencieux, je ressens soudain quelque chose qui ressemble à de la peur. Un sentiment nouveau, jamais éprouvé depuis que je passe l’été au chalet.

Le silence encercle ma colline de granite, se pose lourdement à sa cime, enveloppe le chalet et la véranda, le silence descend, c’est une gangue, c’est un bâillon sournois et pour ne pas étouffer je me mets à parler au chat, je lui dis n’importe quoi au chat, pourvu que des mots franchissent mes lèvres, pourvu que des paroles résonnent quelque part entre la lisière du bois et le lac, à défaut d’un croassement, d’un sifflement, d’un gazouillis. À défaut d’un appel qui creuserait un pli, un trou minuscule dans l’étoffe pesante du silence.

Je n’entends rien d’autre que le battement du sang à mes tempes, le battement de mon sang est pareil au tumulte de la rivière souterraine qui coule sous le sentier. Je n’écoute que ce torrent qui m’emplit les oreilles, peut-être est-ce pour ça qu’un bruit de pierres heurtées ne me parvient pas distinctement, que la vibration de la terre m’est imperceptible, cette terre poreuse du sentier qui résonne comme un tambour sous les pas.

Quand je relève la tête, je sais que nous ne sommes plus seuls. Entre le chat et moi s’est glissé un élément étranger, je ne sais encore quoi, mais le chat le sait, lui, qui dresse les oreilles, s’achemine lentement vers la porte latérale du chalet.

Il n’y a plus maintenant qu’une auréole jaune au-dessus de la colline, une couronne de lumière dont j’admire l’absurde perfection avant qu’elle ne s’efface, tandis que se découpe dans un reste de clarté, une ombre sortie de l’ombre, une ombre humaine qui s’avance vers le chalet où je n’ai rien allumé, comme si la lueur d’une chandelle ou d’une lampe à huile avait le pouvoir d’attirer un être malfaisant.

Affiliations

Union des écrivaines et écrivains québécois. (UNEQ)

Association des auteurs de la Montérégie. (AAM)


Texts & content: Claire Boulé © All rights reserved.
Conception: Gorman Productions, 2018